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Réflexions depuis l’épicentre: une femme médecin canadienne décrit sa présence au front de la pandémie de COVID-19

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juin 2, 2020

PHOTO: KELLYANN PETRY/THE GLOBE AND MAIL

Alors que New York commence à passer le cap après avoir été l’épicentre mondial de la pandémie de COVID-19, les professionnels de la santé poussent un prudentsoupir de soulagement.

Dre Leslie Bottrell, une Canadienne qui est médecin résidente, a passé la majeure partie de la crise à travailler à l’unité des soins intensifs du St. Joseph’s Medical Center à Yonkers, juste au nord de la ville de New York.

Dre Bottrell est née et a grandi à St. Thomas, en Ontario, mais son parcours à New York n’a pas été un long fleuve tranquille.

Sa première visite à New York l’a été pour passer uneentrevue en vue de fréquenter une école de médecine à l’autre bout du monde, à l’Université de Sydney en Australie, où elle avait passé du temps à voyager et à travailler aux Jeux olympiques de 2000.

Elle est tombée amoureuse de New York sur-le-champ – l’énergie, les gens et tous ses lieux emblématiques, y compris le World Trade Center, qui a été son dernier arrêttouristique lors de ce voyage.

C’était la semaine avant le 11 septembre – une tragédie qui n’a fait que renforcer son amour et son admiration pour la résilience de New York.

Dix ans plus tard et après avoir donné naissance à deux fils en Australie, Dre Bottrell et son mari ont déménagé à Shanghai où elle a pratiqué la médecine familiale et a suivi une formation en acupuncture. Six ans et demi plus tard, son mari s’est vu offrir un emploi à New York.

Aussi enthousiasmée qu’elle pût être de l’occasion de vivre dans la Grosse Pomme, cette décision allait présenter un défi de carrière important pour Dre Bottrell. Malgré ses nombreuses années de pratique, le système américain n’a pas reconnu sa licence médicale, et elle a dû recommencer sa formation à partir de zéro.

Mais son amour pour la ville ainsi que la dynamiquecommunauté canadienne d’expatriés qui l’a accueillie à bras ouverts ont contribué à alléger la situation.

Après une année intensive d’études en vue d’une série d’examens pour l’obtention de la licence, elle a été confrontée, comme diplômée étrangère, aux difficultés de trouver un stage dans un hôpital de New York. Mais à la mode new-yorkaise typique, c’est une rencontre fortuitedans l’ascenseur de son immeuble qui lui a permis d’entrer à St. Joseph’s. Il s’est avéré que le président de l’hôpital était un voisin, et il l’a encouragée à postuler après avoir vu la pile de livres de médecine qu’elle transportait sous le bras.

Faisons un saut jusqu’en 2020 : l’impact de la crise de laCOVID-19 s’est fait sentir très tôt à St-Joseph, lorsque des patients de New Rochelle, le plus gros contingent du pays, ont commencé à affluer vers la mi-mars. Dre Bottrell devait quitter le service des soins intensifs, mais compte tenu de son expérience antérieure en soins intensifs, elle s’est portée volontaire pour y rester, et elle a fini par passer la majeure partie de la crise à prendre soin des patients gravement malades de la COVID-19.

Cette décision a coïncidé avec celle beaucoup plus difficile d’envoyer ses garçons au Canada pour qu’ils poursuiventleur apprentissage à distance avec ses parents, tous les deux enseignants à la retraite, à St. Thomas. Elle savait que son emploi du temps l’empêcherait de les superviser, sans parler du fait que les garçons allaient devoir être confinés dans un petit appartement de New York.

« Il y a eu des moments où je voulais qu’ils soient physiquement près de moi, mais il est difficile de s’appesantir là-dessus quand vous avez été témoin d’une telle dévastation pour des familles. Et combien nous allons nous apprécier encore plus une fois que cela sera terminé…. J’essaie de penser au-delà maintenant. »

Au plus fort de la crise, ses journées commençaient à 7 h. Chaque jour, on lui remettait de l’équipement de protection individuelle et une liste de patients à voir, ce qui se terminait vers 20 h.

Les quarts de travail étaient intenses, sans pause, etconstituaient un équilibre constant à trouver entre limiter sa propre exposition et offrir des soins compatissants à ses patients. Et en plus, le signal sonore du « Code-99 » sur le système d’interphone – avertissant de l’existence d’un arrêt cardiaque ou respiratoire – résonnaitpratiquement chaque heure, alors que ce n’est qu’une ou deux fois par semaine en temps normal.

Cela ajoutait au niveau élevé de stress del’environnement. « Personne ne survivait aux codes », confie-t-elle.

Dre Bottrell a également passé beaucoup de temps au téléphone avec des membres de famille qui étaient en détresse parce qu’ils ne pouvaient pas rendre visite à leurs proches. « C’était atroce », avoue-t-elle. Mais elle a été étonnée de la force manifestée par les familles dans ces moments difficiles. Elle a été particulièrement émue par le fait qu’en dépit de leur choc et tristesse immenses, ces familles remerciaient souvent les professionnels de la santé pour leur travail – une pure démonstration du type de solidarité et de gentillesse qui caractérise New York.

Et lorsqu’on lui a demandé si cette expérience avait changé ses plans de rester à New York, Dre Bottrell a clairement répondu non.

« J’ai toujours le vif désir de rentrer au Canada; vous développez une meilleure appréciation de votre chez-soilorsque vous en êtes absent. Mais j’aime cette ville, la communauté et les amis que nous nous sommes faits. Et je veux être là pour mes collègues, surtout s’il y a une deuxième vague. »

Elle a ensuite rappelé ce que l’acteur canadien Mike Myers avait dit lors du Maple Leaf Ball 2017, le dîner de charité annuel pour la communauté canadienne à New York: Personne n’est plus patriotique qu’un Canadien qui vit à l’étranger.

Après deux décennies à vivre à l’étranger, y compris sur deux continents différents, cette déclaration ne pourrait pas être plus vraie pour la Dre Bottrell.

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