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Q et R avec l’attaché de défense sortant du Canada, le major général Paul Ormsby

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avril 19, 2022

Le major général Paul Ormsby a récemment terminé son affectation à titre d’attaché de défense du Canada à l’ambassade du Canada, après quelque trois années à ce poste et 38 ans de service dans les Forces armées canadiennes. Avant sa retraite, nous avons pu obtenir certains de ses points de vue sur son passage au poste d’ADC.

Pour commencer, pourriez-vous nous parler de quelques-unes de vos expériences professionnelles passées qui ont aidé à vous préparer au poste d’attaché de défense à la plus importante ambassade du Canada ?

Major général Paul Ormsby: J’ai eu la chance d’avoir été affecté à trois reprises aux États-Unis. C’était au U.S. Central Command où j’ai travaillé comme vice-directeur dans la J5 Plans and Strategy Division, au Pentagone, où j’ai été officier de liaison entre le président des chefs d’état-major interarmées des É.-U. et le chef d’état-major de la Défense du Canada, puis commandant adjoint de la région continentale des États-Unis au NORAD. Comme ces postes étaient aux grades de colonel et plus, j’ai donc pu avoir une relative bonne connaissance du fonctionnement des échelons supérieurs du Département de la Défense. À cet égard, chacune de ces affectations tirait parti de l’autre. Quand je suis arrivé au poste d’attaché, j’avais encore beaucoup à apprendre, mais je me sentais relativement à l’aise.

Je peux également vous confier que, lors des affectations ultérieures, j’ai rencontré à nouveau de nombreux membres du personnel étatsuniens que j’avais rencontrés lors des premières affectations. Comme ils occupaient eux aussi des postes plus élevés, c’était formidable parce que nous avions établi un lien de confiance professionnelle des années plus tôt, ce qui signifiait que nous reprenions facilement là où nous nous étions séparés.

Sachant qu’il n’y a pas vraiment de « journée type » pour un attaché de défense, quels ont été certains de vos principaux rôles qui ont été récurrents dans ce poste ?

Mon travail principal a toujours été d’être conseiller en matière de défense et de sécurité auprès de notre ambassadrice, Kirsten Hillman. Je commençais ma journée en examinant ce qui se passait dans le monde, en lisant des rapports de renseignement et en discutant des enjeux avec mon personnel. Si je pensais qu’il y avait des choses à transmettre à l’ambassadrice et que je devais fournir une mise en contexte et des conseils, je prenais contact avec elle. Cela a toujours été l’élément numéro un dans mon esprit.

J’ai passé beaucoup de temps en engagement, ce qui est différent de la diplomatie. L’engagement, c’est le processus consistant à rencontrer des gens, à établir une relation de confiance avec eux et à développer des réseaux auxquels vous pouvez avoir recours lorsque vous avez besoin de l’aide d’amis et d’alliés. Nous avons réalisé la plupart des engagements grâce à des activités sociales, notamment des activités officielles et des réceptions, ainsi que de nombreux dîners privés à notre maison. Bien sûr, cela a été pratiquement suspendu pendant la COVID, mais nous avons fait tout ce que nous pouvions par téléconférence.

L’autre partie d’une journée type consistait à s’occuper de vrais problèmes avec nos collègues étatsuniens. Pendant mon mandat, cela comprenait tout, allant de la décision des É.-U. de se retirer du traité Ciel ouvert à la promotion des entreprises de défense canadiennes jusqu’aux guerres en Syrie, en Afghanistan et en Ukraine.

Pendant votre mandat ici, quels ont été les principaux sujets de discussion récurrents en matière de défense canadienne avec vos homologues des É.-U., ou les principaux dossiers dans votre boîte de réception ?

Le principal sujet d’intérêt des États-Unis au Canada en matière de défense était notre niveau de dépenses dans ce domaine. Un autre sujet suscitant un vif intérêt concernait le projet de modernisation du NORAD. C’est quelque chose que les deux pays reconnaissent comme étant essentiel, surtout maintenant depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils seront des sujets brûlants pour de nombreuses années. Je dirais également que l’intérêt des États-Unis envers l’Arctique a également augmenté de façon spectaculaire. Cela est dû au fait que les É.-U. évaluent de plus en plus la sécurité dans une perspective véritablement mondiale au sein de laquelle l’Arctique est considéré comme un espace clé sur lequel il faut exercer une surveillance avec le Canada et les autres alliés de l’Arctique.

À propos des points chauds dans le monde comme l’Ukraine, qu’a fait le Canada pour améliorer ces situations dans une optique de défense ?

Tout le crédit lié à la riposte de l’Ukraine face à l’invasion en cours appartient aux Ukrainiens. Ils ont montré au monde entier leur bravoure et leur discipline à défendre leur patrie, ce qui n’est pas une surprise pour les membres des Forces armées canadiennes qui ont travaillé avec eux de 2015 jusqu’au début de cette année dans le cadre de l’opération UNIFIER du Canada.

Au cours de cette mission, nos membres ont fourni un large éventail d’entraînements militaires à plus de 33 000 candidats des forces de sécurité ukrainiennes. Ces types de missions d’entraînement que nous menons également dans les Caraïbes, en Irak, en Jordanie et au Liban contribuent non seulement à renforcer les capacités existantes des forces de sécurité de nos partenaires, mais sont également mutuellement bénéfiques. Les Canadiens déployés en Ukraine au cours des dernières années vous diront qu’ils ont beaucoup appris de leurs collègues ukrainiens.

Alors que les membres déployés dans le cadre de l’opération UNIFIER sont actuellement relocalisés temporairement en Pologne, notre gouvernement a récemment annoncé la prolongation de la mission jusqu’à la fin mars 2025 ainsi que son expansion par l’ajout de 60 soldats avec possibilité d’augmenter le nombre total à 400. De plus, nos membres s’emploieront à renforcer la coopération en matière de renseignement, la cybersécurité ainsi que les opérations en appui à l’Ukraine, toutes étant des capacités essentielles dans tout conflit au XXIe siècle. Finalement, les équipages de deux de nos avions Hercules CC-130J ont été occupés à livrer plus d’un million de livres d’aide militaire à l’Ukraine depuis le début de mars.

Quels conseils pourriez-vous donner aux nouveaux attachés de Défense mutés cette année à leurs postes respectifs dans le monde ?

Tout d’abord, je leur recommanderais de visiter, à Ottawa, l’ambassade du pays dans lequel ils sont affectés. De passer beaucoup de temps à comprendre l’histoire et la culture. Cela sous-tend tout ce qui concerne la conscience nationale et la manière dont les pays abordent leur prise de décision.

Deuxièmement, de prendre contact dès leur arrivée avec autant de décideurs de haut rang que possible. De faire des appels professionnels aux chefs militaires de haut rang dès qu’ils le peuvent. Tout aussi important, de faire des appels professionnels avec des décideurs civils de haut niveau. Qui est responsable de la Politique, de la Stratégie, de la Logistique, de la TI, de la R et D ? Un attaché doit connaître ces personnes et doit pouvoir les contacter directement, au besoin. Cela exigera un gros investissement de temps, mais c’est la raison pour laquelle l’attaché est là. Dépensez chaque sou que vous avez reçu dans votre budget d’accueil. C’est le processus d’engagement qui facilitera beaucoup le processus diplomatique par la suite.

Voyagez dans le pays. Passez-y vos vacances, visitez les différentes régions et villes et découvrez-y ce que les gens pensent vraiment, par rapport à ce qui se passe dans leur capitale nationale. C’est aussi important que tout ce que vous ferez dans la capitale. C’est la vraie teneur de l’opinion nationale.

De nombreux attachés se plaignent, entre autres, du manque de messages qu’ils reçoivent de chez eux. Quelle est notre évaluation narrative ? Quelle est notre position sur telle ou telle question ? Je tenais toujours à jour un ensemble de points de discussion tirés des discours de nos dirigeants, et lors des conversations officielles et sociales, je pouvais toujours les soulever. Je disais souvent au personnel du Congrès des É.-U. quelque chose comme : « Saviez-vous que, dans votre État, il y a 37 entreprises appartenant à des Canadiens qui emploient 9 000 personnes, et que six de ces entreprises sont liées à la défense ? » La plupart du temps, ils n’en avaient aucune idée. Lors de nos réunions hebdomadaires, nous avions aussi l’habitude d’avoir l’« histoire de la semaine » à propos d’une interaction entre les Forces armées canadiennes et les É.-U. que nous pouvions tous utiliser lors de nos rencontres avec nos collègues étatsuniens. Dans ce contexte, mon conseil est d’être au courant de tout ce qui se passe dans les FAC, de la façon dont cela affecte votre pays hôte, et de trouver des moyens de l’intégrer dans les conversations. Le Canada est peut-être une puissance moyenne, mais c’est un acteur mondial. C’est le récit que nous devons raconter à propos de nous.

Finalement, je pense que vous devez déterminer quel type de Canadien vous souhaitez être là-bas. Quelle est l’image que vous voulez projeter ? Tout le monde associe déjà le Canada au hockey, de sorte que j’ai toujours essayé de m’assurer que l’on ne donnait pas trop d’importance à cet atout, sinon, nous serions simplement « les gars du hockey ». Il y a tellement plus dans notre culture nationale; elle est riche, variée, et elle intéresse tout le monde, et vous constaterez que beaucoup de gens souhaitent visiter le Canada. Tirez parti de cet atout. À titre indicatif, j’adore le hockey, donc si quelqu’un en parlait, j’étais heureux d’en parler aussi. Je souhaitais simplement que les gens pensent à nous de nombreuses autres façons au-delà du stéréotype canadien !

Depuis le départ à la retraite du mgén Ormsby, le capitaine (Marine) Bill Quinn assume le rôle d’attaché de défense du Canada par intérim. Un successeur permanent est attendu au milieu de l’été 2022.

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